Saint-Barthélemy, le 3 avril 2020
AVIS DU CESCE
Réflexions et recommandations sur la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19 et sur les voies d’un redémarrage de l’économie locale
Problématique :
Face aux discours contradictoires de nos gouvernants qui, au niveau national, prônent d'un côté un confinement total et d'un autre, encouragent la continuité des activités économiques, n’existe-t-il pas une voie intermédiaire ?
Le 26 mars dernier, le président du CESCE a réuni les membres en visioconférence car il a souhaité maintenir le lien et les échanges entre les conseillers.
Compte tenu du contexte actuel de crise sanitaire et étant donné ses conséquences économiques, les conseillers ont souhaité engager une réflexion pour savoir dans quelles conditions il serait possible d’envisager un redémarrage de l’économie locale ?
Le 2 avril, le CESCE recevait la délibération portant sur “l’Autorisation au Président de la Collectivité à souscrire un marché relatif à la mise en oeuvre d’un système de dépistage du Covid 19 pour l’ensemble de la population de Saint-Barthélemy.” à l’ordre du jour du Conseil Territorial réuni en urgence le 4 avril.
Ainsi, sur proposition de ses membres, le CESCE de Saint-Barthélemy a rendu l’avis suivant :
Contexte de crise à Saint-Barthélemy :
Dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, les recommandations et les mesures sanitaires prises par le gouvernement français s’appliquent à Saint-Barthélemy.
• Confinement
• Respect des gestes barrières et distanciation sociale
• Fermeture des établissements recevant du public à l’exception des tous ceux indispensables à la vie de la Nation, notamment les commerces alimentaires (y compris les Drive alimentaires), les pharmacies, les stations-services, les banques, les bureaux de tabac et distribution de la presse.
• Fermeture des établissement scolaires...
En outre, la préfecture de Saint-Martin et Saint-Barthélemy a pris des mesures portant restriction du trafic aérien. Ainsi, seuls les déplacements pour motifs sanitaires liés au covid-19, pour motifs familiaux impérieux, pour motifs de santé personnel sous avis médical ou pour motifs professionnels insusceptibles d’être différés, sont autorisés.
Le nombre de personnes sur l’île est par conséquent stabilisé et s'élève à 10.000 environ.
La gestion de la crise sanitaire à Saint-Barthélemy : une approche méthodique pour stopper la circulation du virus sur l’ile
Compte tenu du manque d’équipements en matière de soins sur notre île de 10.000 habitants environ, le CESCE confirme qu’il est, dans un premier temps, impérieux d’empêcher la propagation du virus à Saint-Barthélemy en respectant strictement les mesures imposées par le gouvernement.
Le CESCE comprend que le manque de moyen humain rend les contrôles compliqués quant au respect du confinement mais insiste toutefois sur leur importance. Les membres du Conseil ont bien noté l’implication de la croix rouge dans le contrôle sanitaire des personnes arrivants à l'aéroport. Ils s’en félicitent.
Saint-Barthélemy, qui a su à de nombreuses reprises prouver combien elle pouvait se montrer résiliente, doit également réfléchir à d'autres solutions qui viendraient s’ajouter et qui permettraient à notre île de sortir plus rapidement mais surement du confinement généralisé.
Dans cette gestion, les compétences reviennent pour la plupart à l’Etat. La collectivité quant à elle apporte son soutien quand elle le peut. Elle a ainsi distribué de nombreux masques stockés depuis l’épidémie de H1N1 aux personnels soignants. Le CESCE salue cette initiative et félicite la Collectivité pour tous les appuis qu’elle fournit dans la gestion de cette crise.
Il compte également sur son anticipation à se réapprovisionner en masques et en gel hydroalcoolique pour se préparer à tous les scénarii.
Par ailleurs, le CESCE encourage la Collectivité de Saint-Barthélemy à continuer à réfléchir à des mesures propres visant à endiguer la propagation du virus sur l’île et à examiner au plus près des solutions idoines et pragmatiques qu'elle partagerait avec l’ARS et la Préfecture pour convaincre l'Etat de les appliquer à Saint-Barthélemy et d’ainsi permettre une sortie de confinement sans aucune prise de risque.
La France ou l'Italie ont choisi une stratégie d'atténuation (« mitigation »), en confinant la population. Taïwan, Singapour, Hong Kong ou la Corée du Sud ont préféré une stratégie d'interruption (« suppression ») : Il s’agit de briser les chaînes de transmission du virus, en mettant en place une politique massive de dépistage, en traçant les malades et leurs contacts, en isolant, en mettant en quarantaine et en surveillant aussi les gens testés négatifs, car les tests sont faillibles. Selon une déclaration de ÉRIC CAUMES Médecin, chef du service maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière : « Il n'y a pas d'autre solution que de briser les chaînes de transmission. Seule la tactique de l'interruption peut permettre de mater l'épidémie, parce qu'on n'a ni médicament très efficace ni vaccin. »
Concernant la question des tests, le CESCE comprend que la Collectivité, en lien avec la Direction de l’ARS, réfléchit actuellement à une possibilité de faire tester la population. Là encore il se félicite de cette démarche car comme le souligne l’OMS “nul ne peut combattre un incendie les yeux bandés.” Un tel dépistage généralisé permettrait de retracer la circulation du virus dans l’île.
Les tests dits PCR sont reconnus aujourd’hui comme les plus fiables. Néanmoins, dans le cas de Saint-Barthélemy, comme chacun sait, ils sont envoyés pour analyse en Guadeloupe et la communication des résultats est de ce fait allongée.
Par conséquent, le CESCE invite la Collectivité à continuer à étudier d’autres solutions de tests de dépistages qui pourraient être réalisés puis analysés sur le territoire et dont les résultats, fiables, pourraient être obtenus plus rapidement.
Il est important que la Collectivité s’efforce de trouver les solutions plus simples mais sûres de dépistage afin de sortir au plus vite de ce confinement indifférencié, et ainsi s’orienter vers un confinement plus sélectif au moyen de tests dont les résultats pourraient être exploités en temps réel et ainsi espérer un redémarrage de l’économie en autarcie, dans un premier temps.
S’il apparaît clairement que les moyens mis en oeuvre vont bon train et semblent proportionnels à la crise, le CESCE insiste : toutes les solutions permettant d’enrayer au plus vite l’épidémie sur l’île doivent être étudiées (y compris la possibilité de recourir à la chloroquine pour traiter le Covid-19). Pour ce faire, il est impératif que la réflexion implique à la fois, l’Etat, la Collectivité, les personnels soignants, la croix rouge et les services de secours territoriaux.
L’arrêt de la circulation du virus à Saint-Barthélemy est un préalable indispensable à un quelconque redémarrage économique.
Mais compte tenu des conséquences économiques désastreuses liées à cette crise, il est impératif que sa gestion sanitaire soit efficace et la plus rapide possible au moyen d’un plan d’action précis.
Compte tenu de ce qui précède, le CESCE rend un avis favorable à la délibération portant Autorisation au Président de la Collectivité à souscrire un marché relatif à la mise en oeuvre d’un système de dépistage du Covid 19 pour l’ensemble de la population de Saint-Barthélemy.
D’autant plus, que la société Solutech, dirigée par Antoine Querrard - membre du CESCE - , partenaire de ce projet pour ses compétences en matière de traitement des données, expertise acquise en gestion de crise Irma, paramétrage et maintenance technologiques, a pour cela réactivé un lien avec la société Referis qui avait été choisie comme structure d’appui pour l’élaboration de l’étude sur la prise en charge des urgences médicales vitales à Saint-Barthélemy menée par la commission Santé du CESCE.
Toutefois, si le CESCE rend un avis favorable sur la stratégie souhaitée de la Collectivité, il n’en demeure pas moins que le marché invoqué sous-tend un aléa de livraison alors que nous sommes déjà en situation d’urgence.
Sur le volet économique, le CESCE souhaite également partager les réflexions suivantes :
Le redémarrage selon un modèle d’économie locale
Si l’arrêt de l'économie de Saint-Barthélemy est difficilement quantifiable, elle représenterait un coût hebdomadaire de 18 milliards pour la France.
Pourtant, le redémarrage économique, que beaucoup attendent avec impatience, devra s’opérer avec prudence.
En effet, le secteur économique ne doit pas devenir un poids pour le secteur de la santé qui travaille à la guérison et/ou au dépistage des infections.
S’il est vrai que de nombreuses activités fonctionnent grâce au tourisme et que la reprise économique va beaucoup dépendre de facteurs externes (ce qui pose une fois de plus la dépendance de notre île aux aléas extérieurs), il n'en demeure pas moins que certaines activités pourraient s'adapter, un temps, et redémarrer selon un modèle d’économie locale. Faudrait-il pour cela que les règles de sécurité sanitaires soient respectées.
En ce sens, le CESCE a imaginé un redémarrage de l’économie qui pourrait s’opérer en plusieurs temps :
1. Dans un premier temps et à condition de pouvoir tester de manière fiable toute la population, passer à un confinement sélectif avec mise en place de contrôles stricts des personnes isolées. Des espaces tels que des hôtels ou les hébergements de la plaine des jeux pourraient être utilisés pour leur mise en quarantaine.
2. Dans un second temps, fin du confinement à Saint-Barthélemy tout en continuant à respecter les gestes barrières et en instaurant des règles toujours strictes pour les ERP. La relance de l’économie dans ce contexte doit supposer le respect à minima de règles d’hygiène strictes.
3. Il sera alors temps de réfléchir à la sortie de crise internationale et d'adopter une stratégie de communication efficace et forte pour redonner confiance aux clients de l’île : à ce sujet, le CESCE considère que la décision du Conseil Territorial d'interdire les travaux de constructions privées bruyants pendant le confinement lié au COVID est la preuve qu'il est possible de temporaliser ces nuisances selon une période particulière.
La situation que nous vivons actuellement nous envoie un signe qui nous intime de reconsidérer certaines valeurs de premier plan : La tranquillité, l’apaisement sont redécouvertes par la force des choses. L'idée de saisir cette voie comme argument d’attractivité touristique tombe désormais sous le sens : Communiquer sur ce thème auprès de nos touristes serait selon le CESCE une excellente opportunité de relance qui prouverait qu'en haute saison, les nuisances sont définitivement bannies et la qualité de leur séjour respectée.
Du point de vue des finances locales, enfin, le CESCE, pense, compte tenu de la possible résurgence d’autres crises toute nature confondue, que la Collectivité pourrait envisager la création d’un fond de solidarité financé soit par de nouvelles recettes soit par le recouvrement plus efficace et/ou équitable de certaines taxes déjà existantes, la CFAE notamment.
Avis adopté à la majorité.
Antoine Querrard et Hélène Girardeau membres du CESCE mais également engagés dans la société Solutech se sont abstenus compte tenu de l’implication de Solutech dans le projet.