Saint-Barthélemy,
Le 5 novembre 2020
Avis du Conseil Economique, Social, Culturel et Environnemental de Saint- Barthélemy
sur les projets de délibérations inscrits à l'ordre du jour
du Conseil Territorial du 6 novembre 2020
Saisi le 23 octobre 2020 sur l'ordre du jour du Conseil Territorial du 6 novembre et sur proposition de ses membres, le CESCE de Saint-Barthélemy rend l'avis suivant :
Point 6 de l’ordre du jour du Conseil Territorial : Modification du Code des Contributions – Droits d’enregistrement
Le CESCE a pris connaissance du projet de révision des articles 16, 97 et 98 du Code des contributions.
Si le CESCE comprend parfaitement la nécessité de la réforme proposée, notamment en ce qu’elle élargit la définition des actes soumis à l’obligation d’enregistrement auprès des services de la Collectivité, en revanche, le CESCE regrette que la Collectivité n’ait pas saisi cette opportunité pour procéder à une réforme générale des droits de donation de bien ou droit immobilier.
En effet, plusieurs points nous semblent mériter d’être discutés par le Conseil Territorial et probablement réformés.
1°) Tout d’abord, les montant des droits applicables aux donations immobilières sont particulièrement élevés et sont ainsi sans cohérence avec le taux d’autres impositions immobilières prévues par le Code des contributions.
Depuis 2008, le taux des donations de biens immobiliers situés sur le territoire de Saint-Barthélemy ou de droits immobilier en lien avec le territoire de Saint-Barthélemy sont respectivement de 25 % pour les donations inter-familiales et de 40 % pour les donations effectuées à l’extérieur de la famille. Ces taux sont la reprise pure et simple des taux du Code général des Impôts français qui, comme chacun le sait, obéit à une philosophie qui n’est pas celle du Code des contributions de Saint-Barthélemy.
Comment ainsi expliquer que la donation d’un bien immobilier à l’intérieur d’une famille, le plus souvent locale, soit soumise au paiement d’un droit d’enregistrement de 25 % de la valeur du bien, tandis que le même bien immobilier, s’il devait être acheté par un tiers étranger, ne soit soumis qu’au paiement d’un droit d’enregistrement de 5 % ? La différence interpelle et il paraît souhaitable que ces opérations juridiques puissent être taxées de manière similaire et raisonnable, ce qui pourrait donc consister à ramener les droits d’enregistrements des donations familiales à un taux de 5 %.
De même, les donations à l’extérieur du cercle familial sont taxées au taux extraordinaire et sans équivalent dans le Code des contributions de 40 %. Un tel taux revient donc en réalité à proscrire toutes les donations de biens immobiliers à l’extérieur du cercle familial à Saint-Barthélemy. Cela veut donc dire en pratique qu’un propriétaire immobilier à Saint-Barthélemy ne peut pas effectuer de donation de son bien par exemple à son ami d’enfance ou à la personne qui lui a sauvé la vie, sauf à s’acquitter d’une imposition équivalente à quasiment la moitié de la valeur du bien donné, dans une île où la valeur du foncier connaît une augmentation quasi-exponentielle.
Ce faisant, la Collectivité de Saint-Barthélemy se prive d’ailleurs de recettes fiscales, puisqu’en adoptant un taux plus raisonnable, de telles donations, probablement inexistantes actuellement, pourraient être enfin réalisées, enregistrées et taxées.
2°) Les donations immobilières sont assez rarement taxées puisque les bénéficiaires prennent quasi-systématiquement l’engagement de conservation du bien donné pendant dix ans (article 97) afin d’être dispensés du paiement desdits droits.
Or, là encore, le CESCE estime qu’il existe au moins deux difficultés qu’il est nécessaire d’aborder.
Tout d’abord, l’obligation de conservation est assez longue (dix ans), mais surtout elle n’est assortie d’aucune mesure de dégressivité de la sanction de sa violation. Ainsi, le bénéficiaire d’une donation immobilière sera sanctionné de la même manière s’il viole son engagement de conservation dès qu’il a reçu le bien en donation et décide de le revendre immédiatement ou s’il le garde 9 ans et 10 mois et décide de ne le revendre que parce que sa situation personnelle a alors changé du tout au tout. Pire, l’application des intérêts de retard de l’article 98 du Code des contributions fera que cette personne sera plus sanctionnée dans le second cas que dans le premier, ce qui est pour le moins paradoxal.
C’est pourquoi le CESCE est d’avis d’introduire dans le Code des contributions une mesure de dégressivité de la sanction de la violation de l’engagement de conservation du bien reçu en donation à hauteur par exemple de 20 % par an à partir de la cinquième année de détention.
Enfin, le CESCE s’interroge sur la légalité de l’obligation de conservation de l’article 97 du Code des contributions en ce qu’elle s’étend jusqu’à l’immeuble « composant l’actif ou présents au capital de ladite entité à la date de la donation » dans le cas d’une donation d’un droit immobilier, typiquement de parts sociales ou d’actions d’une entité fiscalement immobilière au sens de l’article 74 du Code des contributions. Dans un tel cas, le bénéficiaire de la donation reçoit la propriété des parts sociales ou des actions et il est donc normal que l’obligation de conservation s’applique aux biens reçus en donation. En revanche, le bénéficiaire n’est pas propriétaire de l’immeuble qui continue d’appartenir à la société et sur lequel il n’a bien souvent aucun contrôle même indirect. Comment dès lors, le bénéficiaire de la donation de parts sociales ou d’actions d’une société pourrait-il s’engager à conserver un bien qui ne lui appartient pas ?
Pour illustrer les difficultés potentielles d’application de cet article, il suffit d’imaginer le cas d’une personne qui reçoit de ses parents 20 ou 30 % des parts sociales ou des actions d’une société fiscalement immobilière. Ce bénéficiaire de donation prend l’engagement de conservation des parts sociales ou actions données, engagement qui s’étend automatiquement selon l’article 97 à l’immeuble de la société. Mais 5 ans plus tard, ses parents demeurés majoritaires décident de procéder à la vente du bien immobilier. Dans ce cas, en l’état de la rédaction actuelle de notre code, il semble que l’engagement de conservation pourrait été considéré comme ayant été violé entrainant alors le paiement d’importants droits de donation, tandis pourtant que le bénéficiaire ne possède aucun contrôle juridique sur la mise en vente du bien immobilier puisque celui-ci ne lui appartient pas.
Là encore, l’on mesure la nécessité d’entamer une réflexion approfondie sur ces sujets délicats dans la perspective d’une possible réforme prochaine. »
Avis adopté à la majorité.