AVIS
du Conseil Economique, Social, Culturel et Environnemental de Saint-Barthélemy
sur les projets de délibérations inscrits à l'ordre du jour
du Conseil Territorial du 29 juin 2023
Saisi le 15 juin 2023 sur l'ordre du jour du Conseil Territorial du 29 juin et sur proposition de ses membres, le CESCE de Saint-Barthélemy rend l'avis suivant :
Affaires juridiques : Point 18 de l’ordre du jour du Conseil Territorial : Approbation de la réglementation des transports routiers de personnes et de marchandises
C’est avec grand intérêt que les conseillers du CESCE ont pris connaissance de la réglementation des transports routiers de personnes et de marchandises envisagée par la collectivité.
De manière générale, la démarche est approuvée.
En effet, la mobilité est un sujet sur lequel le CESCE a souhaité travailler dès 2017. Dans ce cadre, des propositions avaient été formulées au sujet des transports routiers de personnes, notamment.
Ces derniers mois, il s’est plus spécifiquement intéressé à la question du transport par taxi au regard des difficultés éprouvées dans ce domaine, essentiellement pendant les périodes de forte affluence.
Au cours de cette réflexion, le projet de la précédente mandature a été consulté et un échange avec l’actuel président de la commission affaires économiques, M. Dimitri Lédée a été organisé en juillet 2022.
A travers cet avis, le CESCE souhaite attirer l’attention sur certains points spécifiques qu’il détaillera ci-dessous.
Sur les sanctions administratives, les contrôles en général et la mise en place de la commission territoriale des sanctions administratives
Le CESCE note que les dispositions spécifiques aux sanctions administratives sont détaillées au début de la réglementation ce qui leur confère une place de premier rang.
Le CESCE comprend ainsi que la collectivité compte principalement sur l’effet dissuasif de la sanction pour assurer le respect des règles et garantir leur effectivité.
Cependant, le CESCE insiste sur le rôle des contrôles dans ce type de dispositifs.
Il a bien relevé que des mesures sont prévues afin de les faciliter (Ex. Plaques d’immatriculation différenciées ; Indication visible de l’extérieur et sur l’arrière du véhicule du numéro d’autorisation…) mais ils ne peuvent être permanents et impliquent, en outre, des moyens humains.
Au regard de ce qui précède, le CESCE estime que le respect de ces nouvelles règles passera également par leur acceptation de la part des transporteurs.
Il préconise par conséquent que la collectivité mène une véritable campagne « marketing » pour expliquer le bien-fondé des règles (y compris le registre de disponibilité des taxis) et obtenir l’adhésion du plus grand nombre.
Par ailleurs, afin de s’assurer de l’efficacité et de l’opérationnalité du dispositif, le CESCE suggère qu’une évaluation portant sur le fonctionnement de la Commission territoriale des sanctions administratives soit réalisée un an après l’entrée en vigueur de la réglementation.
Sur les dispositions spécifiques aux services réguliers de transports routiers collectifs de personnes (art. 631-1 à 634-1)
Le CESCE remarque que la collectivité n’a pas souhaité mettre en place un service public dans le domaine des services réguliers de transport collectif de personnes. Cependant, il est proposé que ces services soient librement organisés par des entreprises privées dûment autorisées par la collectivité à mettre en place une ou plusieurs lignes régulières.
Il existe un réel besoin en ce qui concerne la mise en place d’un lien de transport efficace entre les deux pôles Gustavia – Saint-Jean. Le CESCE espère qu’une entreprise privée manifestera un intérêt à développer un service régulier de transport collectif.
Sur les transports routiers de personnes par taxi
Le CESCE constate avec satisfaction que la nouvelle réglementation a pris en compte les difficultés liées à la disponibilité des taxis sur l’ile et vise à améliorer la situation en mettant en place des mesures concrètes et équilibrées.
Ainsi, le CESCE approuve notamment :
- L’augmentation du nombre de licences qui passe de 40 à 43
- La mise en place d’un dispositif de licences ponctuelles au nombre de 10
- L’obligation pour les taxis de s’inscrire au registre de disponibilité des taxis mis en place par la collectivité
La création d’une application numérique qui vise à simplifier et fluidifier la prise en charge des clients par les taxis et à améliorer la coordination entre les chauffeurs de taxi et les professionnels du tourisme local, pourra permettre également, selon le CESCE, d’avoir plus de moyens de vérifier que le titulaire de l’autorisation assure « une exploitation personnelle, effective et continue ».
En effet, le contrôle de cette obligation, déjà inscrite dans la réglementation actuelle, semble poser des difficultés en pratique et il est important, pour un service efficace et de qualité, de s’assurer que les 43 autorisations soient réellement en activité.
Comme il l’a déjà préconisé, le CESCE pense que la vérification annuelle du nombre de kilomètres parcourus par l’envoi d’un relevé kilométrique, par exemple, pourrait être un moyen supplémentaire pour s’assurer d’une exploitation effective.
Concernant les autorisations ponctuelles, elles doivent remplir une double fonction :
- Répondre à des augmentations ponctuelles de la demande comme cela est stipulé à l’article 741-4
- Mais aussi, remplacer des taxis dont l’activité serait temporairement interrompue pour raisons personnelles (congés, absence de l’ile, mise à disposition d’un client unique...).
A ce sujet, le CESCE demande s’il est prévu, à travers le registre, que les taxis déclarent toute absence ou interruption temporaire d’activité en précisant la date de début et de fin ?
Le CESCE appuie également la mise en place d’une formation locale dont les épreuves d’admissibilité et d’admission sont organisées par la Collectivité qui pourra confier cette mission à un organisme de formation.
Concernant la tarification, le CESCE retient que l’article 731-5 accorde la possibilité aux taxis de réaliser des prestations portant sur une durée et comportant des courses multiples. Cela revient à leur reconnaître le droit d’être privatisés.
En tout état de cause et compte tenu de l’importance d’améliorer le service de taxis sur l’ile, le CESCE suggère qu’une étude d’évaluation soit réalisée à la fin de la prochaine saison touristique (mai 2024) ou, au maximum, un an après l’entrée en vigueur de la réglementation, ce qui laisserait le temps d’apporter des ajustements nécessaires avant la saison 2024/2025, si besoin.
Sur les transports routiers privés de personnes - Focus sur les articles 821-2 et 821-3 du projet de réglementation (Chapitre II du Livre VIII)
Ici, le CESCE souhaite, dans un premier temps, attirer l’attention de la Collectivité sur la question de la légalité de ces dispositions.
En effet, ces deux articles qui consistent à encadrer le nombre de véhicules dont peut disposer une entreprise de transport privé de personne reviennent à limiter les libertés d’entreprendre et d’exploitation qui sont deux des trois domaines de la liberté du commerce et de l’industrie, consacrée constitutionnellement.
Certes, le CESCE comprend qu’au regard du nombre important de véhicules en circulation sur l’ile, la collectivité entend, par ces dispositions, contenir le trafic routier.
Toutefois, dans le cas présent, restreindre administrativement les seuls véhicules de transport des hôtels et des agences de location sur une île dont la principale ressource est le tourisme de luxe, ne parait pas justifié par un motif d’intérêt général, puisque seules ces catégories particulières sont visées.
D’autant que si l’on observe les bouchons de plus en plus réguliers de l’île, les véhicules de ces acteurs du tourisme apparaissent représenter une petite minorité.
Par ailleurs, ces restrictions, à les supposer légales, doivent être organisées selon des règles claires, objectives et logiques, n’opérant pas de discrimination.
Or, les restrictions proposées par la réglementation sont basées sur des concepts aussi variables et arbitraires que le nombre de « clés » pour les hôtels et le nombre de « biens confiés en gestion » pour les agences de location.
Ces critères n’ont pas de rapport direct avec les besoins de transport privé de personnes que l’on voudrait restreindre. En effet, une « clé » d’hôtel peut correspondre à une ou plusieurs chambres. De même, un « bien » à la location saisonnière peut compter jusqu’à 12 douze chambres sur notre ile.
En outre, le critère retenu opère une différence de traitement entre les hôtels et les agences de locations et il est, pour ces dernières, très défavorable sans aucune justification.
La majorité des villas de l’île en location saisonnière comporte 3 ou 4 chambres, tandis que les clés hôtelières correspondent le plus souvent à 1, 2, voire exceptionnellement à 3 chambres. Ainsi, la tranche de 10 clés pour un hôtel correspondra le plus souvent à 20 chambres (donc en moyenne 40 personnes, basé sur une occupation de deux personnes par chambre), tandis que la tranche de 25 biens en location pour une agence de location correspondra à 75 chambres (donc en moyenne 150 personnes).
Pour ces raisons, le CESCE estime qu’il serait préférable de substituer à ces critères imprécis et arbitraires, le critère du nombre de chambres, qui lui, est en relation directe et objective avec le nombre potentiel de personnes à transporter.
En résumé, le CESCE est favorable à cette réglementation mais préconise à la Collectivité :
- De s’assurer de la légalité des articles 821-2 et 821-3 et de remplacer les critères de « clés » et de « biens confiés en gestion » par des critères objectifs et impartiaux pour fixer le nombre de véhicules autorisés à effectuer du transport privé de personnes par les hôtels et les agences de location.
- De réaliser une étude d’évaluation de la présente réglementation au maximum un an après son entrée en vigueur, afin de mesurer son impact et de s’assurer que les objectifs visés sont remplis
Avis adopté à la majorité
Nombre de conseillers en exercice : 14
Nombre de votants : 11
Pour : 9
Contre : 0
Abstentions : 2