Saint-Barthélemy
Le 6 novembre 2023
AVIS
du Conseil Economique, Social, Culturel et Environnemental de Saint-Barthélemy
sur les projets de délibérations inscrits à l'ordre du jour
du Conseil Territorial du 09 novembre 2023
Saisi le 26 octobre 2023 sur l'ordre du jour du Conseil Territorial du 9 novembre 2023 et sur proposition de ses membres, le CESCE de Saint-Barthélemy rend l'avis suivant :
Point 4 de l’ordre du jour du Conseil Territorial : Création du Pôle Territorial de Lutte contre l’Habitat Indigne (PTLHI)
Le CESCE a bien pris connaissance du projet de création du Pôle Territorial de Lutte contre l’Habitat Indigne.
Il ne fait aucun doute que l’habitat indigne est un sujet préoccupant sur notre territoire et le CESCE s’est souvent inquiété, dans le cadre de ses réflexions, de la dégradation des conditions de logement à Saint-Barthélemy.
Certains vivent dans des conditions indignes de promiscuité et d'insalubrité. Il est donc essentiel de traiter le sujet, de renforcer la lutte contre l’habitat insalubre, indigne ou indécent et de porter une attention particulière sur les situations de suroccupation de logements.[1]
Toutefois, en ce qui concerne précisément la création du Pôle Territorial de Lutte contre l’Habitat Indigne (PTLHI) tel que prévu par le protocole, le CESCE émet des réserves.
Il considère que l’organisation de cette structure, éloignée des réalités de notre territoire, ne permettra pas de traiter efficacement le problème (1). Par ailleurs, avant toute création d’un comité de coordination, il sera nécessaire que Saint-Barthélemy fixe ses propres règles en adoptant son code de l’habitation et de la construction pour procurer un environnement légal clair (2).
1. Une organisation et un fonctionnement trop éloignés de nos réalités
La mise en place de cette nouvelle structure s’inscrit dans le cadre de la politique nationale de lutte contre le mal logement déclinée de manière identique au niveau de chaque département ou collectivité au détriment d’une action « sur-mesure » efficace. (Cf : la mise en place de ce pôle à Saint-Barthélemy intervient quelques mois à peine après la création de celui de Saint-Martin).
D’une part, le fonctionnement très administratif du pôle, décrit dans le protocole, n’est que la transcription de ce qui existe ailleurs et ne tient nullement compte des spécificités et des particularités de notre petit territoire ni de son statut qui lui confère des compétences propres.
A ce sujet, le CESCE fait remarquer 3 références erronées :
- La date du « 1er avril 2012 » indiquée en page 1 du protocole – Vocation du PTLHI – correspondant en réalité à la date pour Saint-Martin. Les compétences en matière de logement et d’habitat ont été transférées à partir du 15 juillet 2007 à Saint-Barthélemy. C’est donc cette date qu’il conviendra de mentionner.
- Au paragraphe 3 de la page 2 du protocole, la mention de Saint-Martin doit être remplacée par Saint-Barthélemy
- Le 4ème visa de la délibération cite la loi ELAN qui ne s’applique pas à Saint-Barthélemy en ses dispositions sur le logement, comme étant postérieure au 15 juillet 2007
D’autre part, la multiplicité des acteurs intervenant dans le processus et le fait qu’ils sont, pour la plupart, extérieurs à Saint-Barthélemy sans connaissance approfondie sur la situation locale du logement et sur la structure socio-économique de l’ile, posent la question de la capacité de cette instance à traiter efficacement et concrètement ces situations.
Le CESCE insiste : un traitement efficace de l’habitat indigne à Saint-Barthélemy nécessite des actions simples, rapides, concrètes et adaptées au territoire dans le respect des compétences de chacun et des règles applicables. Il faut à tout prix éviter les mécanismes trop complexes qui empêcheraient d’atteindre les objectifs visés.
2. Le code de l’habitation et de la construction, une nécessité préalable
Compte tenu des compétences dévolues à la Collectivité (article LO6214-3 du CGCT), le CESCE estime, qu’avant toute mise en place d’une instance de coordination de lutte contre le logement indigne à Saint-Barthélemy, il est nécessaire que la Collectivité élabore le code de la construction et de l’habitation de Saint-Barthélemy.
La rédaction de ce texte permettra en effet, de fixer un cadre légal clair, propre et adapté à notre territoire, de prévoir notamment des dispositions concernant les règles de confort, de salubrité ou autres pour les logements destinés à la location et de mettre ainsi fin aux difficultés et erreurs sur la détermination des règles applicables.
Il est en effet difficile d’espérer un traitement efficace des situations tant que des confusions sur la règle applicable peuvent persister.
Par conséquent, le CESCE suggère à la Collectivité :
- De demander à la Préfecture de bien vouloir reporter la création du PTLHI à Saint-Barthélemy en s’appuyant sur les arguments ci-dessus
- D’élaborer son Code de la construction et de l’habitation pour qu’il puisse être adopté rapidement en y incluant des mesures pour lutter, contrôler et sanctionner l’habitat indigne au moyen d’outils coercitifs ou incitatifs
- De réfléchir à la mise en place d’une structure de coordination idoine visant à lutter efficacement contre l’habitat indigne en collaboration avec les services de l’Etat impliqués
Point 6 de l’ordre du jour du Conseil Territorial : Modification du Code de l’accès au travail des étrangers de Saint-Barthélemy
Le CESCE approuve les modifications proposées au sujet du Code de l’accès au travail des étrangers de Saint-Barthélemy.
Concernant les obligations de l’employeur, le CESCE serait d’avis de modifier la rédaction de l’article 111-12 afin que l’employeur soit non seulement obligé d’informer le service de la main d’œuvre étrangère lorsqu’il met lui-même fin au contrat mais aussi dans tous les autres cas de rupture du contrat de travail.
L’article 111-12 pourrait être ainsi rédigé : « Lorsqu'il est mis fin au contrat pour quelque raison que ce soit, à l’initiative du salarié ou de son employeur, ce dernier en informe le Conseil exécutif. Cette information est adressée au Président du Conseil territorial par le biais du service de la main d’œuvre étrangère."
Pour terminer, le CESCE souhaite profiter de cet avis pour évoquer un point dont il a été informé par des professionnels exerçant dans les activités de plaisance et qui, sur certains aspects, pourrait intéresser l’accès au travail des étrangers.
De plus en plus de navires battant pavillons étrangers, basés à Sint-Maarten, effectuent des prestations commerciales à titre principal à Saint-Barthélemy (excursions à la journée au départ de Saint-Barthélemy) ce qui génère une certaine baisse d’activité chez les sociétés d’excursion en bateau basées à Saint-Barthélemy et dont les navires battent pavillon français.
Or, les marins qui travaillent sur ces navires, non basés à Saint-Barthélemy, ne pourraient-ils pas être qualifiés de salariés détachés au sens de l’article 131-4 du code de l’accès au travail des étrangers[2] ?
En effet, ces navires effectuent leurs prestations à titre principal sur Saint-Barthélemy et l’on pourrait donc considérer que leur personnel travaille à Saint-Barthélemy.
Dans ce contexte, le CESCE invite la Collectivité à porter une attention particulière à ces situations et à analyser le statut de ces marins pour s’assurer que les dispositions du Code de l’accès au travail des étrangers de Saint-Barthélemy sont bien respectées ou pour prendre les mesures nécessaires, le cas échéant.
Avis adopté à l’unanimité
Nombre de conseillers en exercice : 13
Nombre de votants : 9
Pour : 9
Contre : 0
Abstentions : 0
[1] Etude du CESCE de 2019 : « Les voies possibles vers un marché du logement plus équilibré »
[2] Article 131-4 : « est un salarié détaché au sens du présent Code, tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors du territoire français et qui travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur sur une durée limitée à Saint-Barthélemy »